Des stages pour passer des études au marché du travail

Vous n'avez probablement jamais entendu parler de Victoria Christensen. Et ce n’est pas étonnant : elle n'est pas diplômée du Collège Dawson, mais bien de l'école de soins infirmiers de l’Université de l'État de Washington. Nous vous parlons d’elle parce que cette jeune femme s’est inscrite à un programmede baccalauréat malgré le fait d’être en fauteuil roulant, et son expérience a fait l’objet d’un documentaire.

On peut se demander à quoi ressemblera l’expérience d’étudiantes et étudiants comme elle dans la cohorte 2026 du programme de soins infirmiers à Dawson. À titre de chercheuses au réseau Adaptech, nous nous sommes interrogées sur l’inclusivité des stages offerts dans le cadre des programmes du Collège qui touchent aux secteurs de la santé, des services sociaux, et de la gestion et de l’intervention en loisirs. À quoi ressemblent ces expériences pour nos étudiantes et étudiants handicapé·es?

Heureusement, grâce à un financement de l’Entente Canada-Québec, nous avons pu faire une revue approfondie de la littérature et mener des entrevues avec des acteurs clés, dont des étudiant·es, des enseignant·es de divers programmes qui supervisent des stages et des membres de l’équipe du Service d'aide à l'intégration des étudiantes et étudiants (SAIDE).

Pour les 14 étudiantes et étudiants avec qui nous avons parlé, il est inquiétant de révéler leur handicap et l'accès à des mesures d’aménagement raisonnables est aussi une source de préoccupation. Breanna, diplômée du programme de Techniques de gestion et d’intervention en loisir, n'hésite pas à parler des accommodements dont elle a besoin : «C'est moi. J’ai dû composer avec ce handicap toute ma vie, et j’ai dû exprimer mes besoins depuis l'âge de 7 ans. Ça m’a appris à travailler fort.»

Les étudiantes et étudiants qui ont participé à notre étude affirment que les aménagements nécessaires dans le cadre d’un stage diffèrent de ceux généralement accessibles en classe. De plus, il n’était pas toujours clair à leurs yeux quels aménagements pouvaient être mis en place lors des stages, notamment en milieu clinique.

Rasha, diplômée du programme de Technologie de radiodiagnostic, encourage les étudiantes et étudiants en situation de handicap à prendre conscience de leur potentiel : «N'ayez pas peur. Ne vous retenez pas. Ne pensez pas que votre handicap sera un obstacle à votre réussite.»

Nous nous sommes aussi entretenues avec huit enseignantes et enseignants qui supervisent des stages, notamment en milieu clinique. À leur avis, il est bénéfique pour les étudiant·es de parler de leur handicap, mais il est vrai que tous ne sont pas à l’aise de le faire. D’autres obstacles importants à l’inclusivité ont été mentionnés, notamment la méconnaissance des technologies qui peuvent avoir un effet bénéfique pendant les stages et le fait de ne pas savoir si les organisations qui offrent les stages sont ouvertes à leur utilisation.

«Bien des outils d'accessibilité sont en fait simplement des outils d'efficacité et de productivité qui sont utiles pour tout le monde», précise Cathy Roy, enseignante et superviseure de stage au programme de Techniques de physiothérapie. Par ailleurs, les superviseur·es avec qui nous avons parlé ont dit se soucier des compétences visées par les programmes et de la sécurité des patient·es, à juste titre. À leur avis, il est impératif que toutes les personnes concernées, y compris les étudiantes et étudiants, les directrices et directeurs des études, le personnel responsable de l'accessibilité et les superviseur·es disposent de moyens de communication efficaces pour garantir ensemble la mise en place de mesures d'accessibilité dans les lieux de stage, y compris en milieu clinique.

Le manque de communication est l'obstacle le plus important mentionné par les huit membres du personnel du SAIDE. À leur avis, le fait de révéler un handicap est la clé de la communication et de la mise en place d'aménagements, mais plusieurs raisons peuvent expliquer les craintes à cet égard, notamment le besoin de faire ses preuves et la peur que cette information nuise à leurs chances d’obtenir un stage et de satisfaire ainsi aux exigences de leur programme. Le personnel du SAIDE estime qu'il existe un réel besoin de ressources pour aider le corps enseignant et les superviseur·es à mieux comprendre la façon dont certaines limitations fonctionnelles peuvent se manifester lors des stages et les mesures de soutien à l'accessibilité qui peuvent être utiles aux étudiant·es dans ces milieux. Pour Guissou Iravani-Manesh, conseillère pédagogique au SAIDE, il est essentiel de comprendre comment les aménagements peuvent être mis en œuvre sur le terrain.  «Les mesures d’aménagement ne sont pas toujours les mêmes en stage qu’en classe. À quoi ressemble le milieu où le stage se déroule? Quels obstacles est-ce que l’étudiante ou l’étudiant doit surmonter?»

L’équipe de recherche d'Adaptech a recueilli bien des informations, mais qu’en fait-elle au juste? La subvention de l’Entente Canada-Québec ne vise pas des travaux de recherche conventionnelle, axés sur l'analyse statistique de données et la publication d’articles dans des revues scientifiques. Il s’agit plutôt de produire des résultats, notamment de créer des outils pour transformer le milieu de l’enseignement. L'objectif est donc de développer une trousse de stage pour les étudiant·es en situation de handicap dans les programmes techniques.

Nous travaillons à concevoir cette trousse et nous aimerions vous donner un aperçu du travail accompli jusqu’ici. Outre des bibliographies annotées consignant des articles et des textes de loi pertinents, la trousse comprend des fiches d’information, dont Key Steps to Inclusion (mesures d’inclusion clés) et Supporting Dyslexic Students in Clinical Practice (soutenir les étudiantes et étudiants dyslexiques en milieu clinique). Deux séries de vidéos, l'une sur les technologies mobiles et l'autre sur le rôle de la technologie et l’importance de communiquer ses besoins, devraient être disponibles avant la fin de la session. Nous annoncerons dans l’infolettre D News les nouveaux outils à mesure qu’ils s’ajouteront à la trousse.

Nous aimerions clore en citant les derniers mots de Victoria Christensen dans le documentaire qui lui est consacré : «Si un établissement d’enseignement admet une étudiante ou un étudiant qui vit avec un handicap, mon conseil est de l’accueillir, de lui permettre d’apprendre et de lui donner tous les moyens nécessaires pour obtenir son diplôme. Ouvrez-lui la porte, et donnez-lui accès à un casier.»

Remerciements : Nous sommes reconnaissantes envers l'Entente Canada-Québec d’avoir financé le volet de recherche de ce projet.

Accès à la trousse : Cliquez sur le lien ci-dessous.

https://adaptech.org/fr/recherche/trousse-de-stage-pour-les-etudiants-en-situation-de-handicap-dans-les-programmes-techniques/

Autrices : Alice Havel, Mary Jorgensen et Susie Wileman, associées de recherche au réseau Adaptech



Dernière modification : 30 novembre 2023