Kathe Kollwitz : L'art de la protestation

Danica Ramos
345-101-MQ

 

Tout au long de l'histoire, l'art a eu des objectifs variés. Il peut être utilisé pour raconter une histoire ou simplement pour être beau. L'art de Kathe Kollowitz, quant à lui, est utilisé pour encourager les gens à agir et constitue une forme de protestation. Elle dépeint différentes perspectives, ce qui permet au public d'avoir un lien plus fort avec son art. Kollowitz utilise des émotions intenses pour instiller le besoin d'agir chez le spectateur. Le choix du médium lui permet de diffuser ses idées anti-guerre. L'approche de l'art anti-guerre de Kollwitz est une forme efficace de protestation.

Kathe Kollwitz dépeint des perspectives réalistes, capables de toucher un public plus large. Lorsque l'on regarde l'art en temps de guerre, on retrouve souvent la même image stéréotypée d'un soldat courageux ou en deuil. Il est communément admis que les soldats ayant vécu la guerre de première main, ils sont les seuls à pouvoir la dépeindre avec précision, ainsi que les tragédies qu'elle engendre (Sharp 89). Cela donne un point de vue très polarisé sur les personnes touchées. Elle ne tient pas compte du reste de la population qui souffre de la guerre. Étant donné que la plupart des hommes étaient partis faire la guerre, la population allemande de l'époque était principalement composée de femmes, dont beaucoup étaient des mères (Siebrecht 106). Ces personnes, comme les soldats, sont très affectées par la guerre, car la majorité des morts sont des jeunes hommes : "près de 40 % des Allemands morts à la guerre étaient des jeunes hommes âgés de 20 à 24 ans" (Siebrecht 106). Cela signifie qu'une majorité de la population allemande est confrontée au chagrin de la perte d'un enfant, ce qui est également le cas de Kollowitz. Cette douleur et cet art sont souvent ignorés car ils émanent des civils, en particulier des femmes, plutôt que des soldats (Sharp 89). Ce thème des mères en deuil se retrouve dans l'œuvre de Kollwitz. Son dessin "Stehende Mutter, Säugling ans Gesicht drückend" (Mère debout, nourrisson serré contre son visage) en est une illustration.

Différentes perspectives sont représentées, comme celle d'une mère et d'un enfant, où l'enfant représente les soldats pour faire prendre conscience de leur jeunesse et de leur innocence (Siebrecht 117). Kollwitz utilise ces perspectives pour s'adresser à une population plus large, ce qui permet à ses œuvres d'être vues et comprises, et donc d'avoir un impact plus important sur la diffusion des idées anti-guerre.

L'utilisation de l'émotion par Kollwitz captive le spectateur et lui donne un sentiment plus profond de la nécessité d'agir. Toutes ses œuvres découlent de sa propre douleur et de ses émotions brutes. Elle a perdu son "fils Peter, tué au front en octobre 1914" (Siebrecht 1). Cette perte a profondément affecté Kollwitz, comme le montrent ses œuvres, qui représentent principalement des parents pleurant leurs enfants. Toutes ses œuvres, quel qu'en soit le support, sont empreintes d'un fort sentiment de tristesse et de chagrin. Un exemple est celui de ses statues, Die trauernden Eltern (Les parents en deuil), réalisées à la mémoire de son fils décédé (Siebrecht 1).

La posture de ces statues donne au spectateur un aperçu de l'agonie de Kollwitz, malgré leur simplicité. Le langage corporel témoigne de la douleur émotionnelle : les statues sont courbées sur leurs genoux, les bras sur la poitrine, comme pour se protéger ou se réconforter. La création de ces statues a fait payer un lourd tribut émotionnel à Kollwitz, comme le révèlent ses journaux intimes : "le processus de création du mémorial a été douloureux et fréquemment interrompu par des périodes au cours desquelles elle s'est sentie submergée par la détresse émotionnelle et intimidée par l'ampleur de la tâche qu'elle s'était assignée" (Siebrecht 1). Le recours à l'émotion pour montrer la vérité est particulièrement important pour les "forces de droite [qui] s'approprient le mythe d'une expérience de guerre glorifiée pour renforcer le nationalisme et préparer une nouvelle guerre" (Sharp 90). Elle s'appuie sur les émotions personnelles pour lutter contre la propagande et dépeindre au spectateur un sentiment de mal et d'injustice, ce qui le rend plus enclin à sympathiser avec les idées anti-guerre.

Le médium utilisé par Kollwitz lui permet de diffuser rapidement et facilement ses critiques de la guerre. Ses principaux supports sont des gravures sur bois, des dessins et parfois des statues. Nombre de ses œuvres sont exposées dans des lieux accessibles au public, ce qui permet à son art et donc à ses idées d'être vus. Par exemple, son "œuvre majeure de la période 1919-1925 est le cycle de gravures sur bois Guerre, achevé en 1923 [est] publié à Dresde en 1924 par la galerie Emil Richter" (Murray 3). Un autre exemple est celui des statues qu'elle a créées à la mémoire de son fils et qui se trouvent au "cimetière militaire allemand d'Eesen Roggeveld en Flandre" (Siebrecht 1). L'emplacement est important car les statues sont vues par de nombreuses autres familles qui rendent visite à ceux qu'elles ont également perdus et qui pourraient s'identifier à ses idées. Ces idées antimilitaristes sont très présentes dans ses œuvres, qui sont exposées et visibles par le public.

En conclusion, l'art de Kathe Kollwitz est une forme efficace de protestation. Cela est dû à son approche différente de l'art de la guerre, offrant la perspective d'un civil plutôt que celle d'un soldat glorifié stéréotypé. Son utilisation de l'émotion permet au spectateur de sympathiser et l'incite à vouloir agir, tandis que son support permet à son art d'être largement vu. Dans l'ensemble, l'art de Kollwitz s'oppose efficacement à la propagande en popularisant les idées anti-guerre auprès du public.

 

 

 

Ouvrages cités

Murray, Ann. Käthe Kollwitz : Memorialization as Anti-Militarist Weapon. MDPI, 2020. https://dc153.dawsoncollege.qc.ca:2137/article/e44fac46656a463aba547d14ad68dfd9.

Sharp, Ingrid. Käthe Kollwitz's Witness to War : Gender, Authority, and Reception. Annuaire des femmes allemandes, 2011.

Siebrecht, Claudia. The Aesthetics of Loss : German Women's Art of the First World War (L'esthétique de la perte : l'art des femmes allemandes de la Première Guerre mondiale). Oxford University Press, 2013.

 



Dernière modification : 10 janvier 2023