David Wigglesworth n’a jamais été enseignant ou membre du personnel de Dawson, mais il y a travaillé pendant 10 ans.

Il est l’architecte qui a supervisé la transformation de la maison mère de la Congrégation-de-Notre-Dame (CND) en Collège Dawson dans les années 1980. Le 16 mai, l’Association historique de Westmount l’a invité à raconter l’histoire de ce projet colossal.

La salle de conférence de la Bibliothèque publique de Westmount était pleine à craquer pour l’événement. Plusieurs employé·es et retraité·es de Dawson étaient au rendez-vous.

David Wigglesworth est revenu sur l’histoire de la congrégation de sœurs dévouées à l’éducation fondée par Marguerite Bourgeoys et de la construction de cette 6e maison mère. L’architecte initial était Jean-Omer Marchand, premier Canadien diplômé des Beaux-Arts de Paris. M. Wigglesworth a expliqué qu’il a choisi une brique jaune spéciale importée pour que le bâtiment se démarque des autres, qui étaient gris. La statue de Marie et de l’enfant surplombant la coupole est une réplique de la statue de Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille. Le bâtiment a été construit entre 1904 et 1908.

David Wigglesworth se souvient « du soin qui avait manifestement été porté à l’ensemble du bâtiment, de l’odeur omniprésente de la cire à plancher et de l’épais lustre des parquets » au moment où Dawson a pris possession des lieux.

Dans les escaliers, les grandes fenêtres laissaient pénétrer une lumière naturelle magnifique. Malheureusement, « nous avons dû condamner cette partie du bâtiment », a-t-il dit, en raison des règlements relatifs à la prévention des incendies.

Les conditions imposées pour les travaux de rénovation de Dawson impliquaient de « protéger tous les arbres, l’entrée principale et l’intérieur de la chapelle ».

Photo non datée de la maison mère peu après sa construction. Crédit photo : archives de la CND

Usages potentiels de la chapelle

David Wigglesworth a révélé qu’avant la bibliothèque, quatre autres usages ont été envisagés pour la chapelle : une cafétéria, une salle de spectacle, une agora et un lieu d’exposition. Il y a quelques mois, il est retourné à Dawson pour préparer sa conférence et s’est réjoui de voir que la chapelle « est restée ce qu’elle devait être : un lieu calme et silencieux pour étudier ».

« Un nouvel escalier a dû être approuvé pour relier l’étage du bas (la salle de lecture) à celui de la bibliothèque. Les lustres cruciformes, les garde-corps cuivrés et d’autres éléments ont été préservés. Les sœurs de la CND ont conservé leurs œuvres d’art et de nouvelles ont été commandées pour la bibliothèque de Dawson », a expliqué l’architecte. L’orgue Cassavant a été démantelé, mais ses tuyaux peuvent encore y être admirés.

David Wigglesworth a avoué avoir vécu sa part de déceptions durant ce projet de transformation, notamment parce qu’il a dû fermer les escaliers et qu’il n’a pas pu préserver une grande partie des boiseries originales. « L’intérieur a été démoli dans une proportion de 90 % à 95 %. Nous avons ensuite construit des ailes supplémentaires dans la partie sud de la cour. Plus tard, nous avons ajouté des gymnases et un espace technique », a-t-il expliqué.

Il a mentionné que « pour un architecte, le moment de l’inauguration suscite des sentiments mitigés, car tous ses rêves ne sont pas réalisés ». Les sœurs de la CND l’ont réconforté en reconnaissant la valeur de son travail. « Le bâtiment continue d’incarner sa vocation. L’apprentissage et l’enseignement s’y poursuivent comme au temps de Marguerite Bourgeoys », a-t-il précisé. Le Collège Dawson a ouvert ses portes dans l’ancienne maison mère de la CND en 1988, et les 12 campus ont été regroupés en 1997 lors de la fermeture du campus Selby.

Peu de choses ont changé

David Wigglesworth s’est joint aux sœurs à quelques reprises afin de visiter le Collège. Il lui est arrivé d’être déçu en visitant d’anciens projets devenus pratiquement méconnaissables. À son retour à Dawson, il a eu l’impression de « revenir dans le bâtiment tel qu’il a été rénové. C’est incroyable comme le Collège Dawson a l’air neuf ».

Claire Elliott, bibliothécaire au Collège, estime que « les lieux n’ont pas changé ». La bibliothèque a été repeinte pour la première fois en 30 ans il y a environ un an. De nombreux travaux de remise à neuf sont requis et nécessiteront du financement en plus du petit montant offert par le gouvernement du Québec.

La transformation issue du déménagement

Simon Davies, enseignant retraité du programme Cinéma | Communications et de New School, a mentionné avoir eu le privilège de faire partie du comité de planification des aménagements, alors composé d’environ 25 membres du corps professoral et du personnel. Il a décrit le 8e étage, où se trouve New School, comme un « dortoir minimaliste ». Le déménagement de tous les campus vers la maison mère a été un événement majeur, a-t-il souligné. Cette centralisation a transformé l’identité du Collège.

« Lorsque je suis arrivé à Dawson, c'était un établissement à l'état brut. Les gens fumaient à l’intérieur, a-t-il dit. La transformation a été marquée. La bibliothèque est devenue un lieu central pour les membres du corps professoral et les étudiant·es. Les bibliothécaires étaient incroyables, et il faut féliciter le service des ressources matérielles d’avoir su répondre aux nouveaux besoins. Tout fonctionne si bien. L’entretien et le nettoyage sont faits, mais il n’y a toujours pas assez d’espace. Aujourd’hui, Dawson est le meilleur collège. Il offre un formidable éventail de programmes. Nous sommes toujours aussi fiers de notre établissement d’enseignement. Merci. »

Charlie O’Connor, professionnel en tutorat par les pairs et mentorat pour les Autochtones, a trouvé la conférence intéressante et soulevé une question sur les artéfacts religieux, comme le chemin de croix, conservés dans la bibliothèque.

David Wigglesworth a indiqué ne pas avoir conçu la bibliothèque, ce qui a été fait par le personnel de Dawson qui siégeait au comité à l’époque. « Nous avons respecté les souhaits du comité. »

Sarah Paltiel est la directrice générale qui a négocié l’acquisition de la maison mère avec la Congrégation de Notre-Dame. « Elle a fait des pieds et des mains pour gagner la faveur et repousser les limites de l’appareil étatique québécois afin que Dawson puisse acheter la maison mère », a-t-il souligné.

David Wigglesworth a fait part de son admiration pour la première femme à la direction générale de Dawson : « Elle a soutenu l’idée que si les travaux de rénovation étaient faits de manière à générer un sentiment de fierté, le bâtiment serait bien entretenu par la suite. »

Le cégep « occupe des lieux difficiles à occuper, mais il y est arrivé. Avec ses corridors étroits, il a fallu le concevoir un peu comme un train, a-t-il expliqué. Nous sommes parvenus, on ne sait comment, à éviter les bouchons de circulation, et les étudiant·es sont heureux d’y étudier. »

Lors de sa visite à Dawson le 8 mars, David a expliqué pourquoi, selon lui, la bibliothèque et Dawson jouent un rôle important pour la communauté anglophone et la société québécoise en général :

« Je crois qu’il manque quelque chose de fondamental à toute société dont la vie n’intègre pas une bibliothèque. La bibliothèque constitue une base de référence pour tout ce que nous étudions et tout ce que nous apprenons. Nous y ajoutons également du contenu à partir de nos apprentissages. C’est aussi un outil d’enseignement. Ce n’est pas qu’un lieu passif. C’est également un endroit de grande activité. Dieu merci, nous avons encore des bibliothèques! C’est fascinant de se promener et de voir combien d’étudiant·es sont assis en train d’étudier. » Au fil des années, les enfants et petits-enfants de David Wigglesworth l’ont fréquentée.

« Mes deux petites-filles adorent Dawson ».  L’une y étudie encore et l’autre a reçu son diplôme et fréquente maintenant l’Université de Montréal. À la maison, elles parlent l’anglais et le français, un avantage considérable, a-t-il précisé.

Image en vedette : David Wigglesworth, au centre, avec les bibliothécaires actuel·les et Louise Carpentier, de l’Association historique de Westmount. Photo prise en mars par Stephanie Ricci. 



Dernière modification : 23 mai 2024