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Entretien avec l'artiste Sarah-Mecca Abdourahman

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Sarah-Mecca Abdourahman est une jeune artiste basée à Ottawa. Son travail est profondément personnel et explore les thèmes de l'enfance, de la nostalgie et de l'expérience diasporique. Elle explore ces thèmes dans son exposition actuelle, Memories We Carry, Stories We Heal, qui se tient la galerie d'art Warren G. Flowers du 27 mars au 3 mai 2025. Tristan Boisvert-Larouche et Olivia MacIntosh, qui en sont à leur deuxième année dans le programme d'arts visuels, ont eu l'occasion de poser quelques questions à l'artiste.

O. M. J'ai remarqué que tu utilises des objets trouvés dans ta pratique artistique. Les trouves-tu par hasard ou les cherches-tu attentivement?

S-M. A. L'utilisation d'objets trouvés est motivée par différentes raisons, la première étant d'ordre pratique. Pendant ma première résidence à l'étranger, j'ai passé trois mois en Allemagne. Je devais penser à la logistique pour renvoyer mes œuvres chez moi. Sachant que je ne pouvais pas travailler sur de grandes toiles tendues, j'ai commencé à peindre sur des toiles non tendues en pensant les présenter telles quelles. Je n'étais pas entièrement satisfaite de cette idée. C'est en partie ce qui m'a amenée à utiliser pour la première fois un objet trouvé. J'ai peint sur des couvertures. J'ai aussi fait un court voyage à Londres après un mois de résidence en Allemagne. Je suis allée à la galerie Tate Modern pour la première fois et j'ai découvert The Promised Land de Michael Armitage. Je l'ai observée pendant plus de 30 minutes. Je voulais poursuivre ma visite, mais je revenais toujours à cette toile. Ce qui m'a vraiment frappée, c'est le support. Armitage peignait sur de la lubugo, une étoffe fabriquée à partir de l'écorce d'un arbre du Kenya. Armitage est un peintre britannique originaire du Kenya. En peignant sur cette étoffe d'écorce, il fait directement référence à l'Afrique de l'Est, qui est le sujet d'un grand nombre de ses peintures. Je savais que je voulais trouver mon propre support pour la peinture, un matériau qui aurait le même effet. J'ai trouvé qu'il y avait un lien entre la peinture sur des couvertures trouvées et les sujets que j'explorais. À mon retour en Allemagne, j'ai fait la tournée des magasins d'occasion pour trouver des couvertures de la taille d'un petit enfant. La première couverture sur laquelle j'ai peint était parsemée de petits motifs étoilés et de symboles, et c'est à partir de ce moment que j'ai commencé à utiliser des objets trouvés. Au fur et à mesure que je développais mon travail sur le plan conceptuel, j'ai réalisé à quel point ces couvertures usagées étaient liées aux thèmes de la mémoire et de l'histoire que j'explorais. Elles ont leur propre histoire, elles ne sont pas propres, elles sont poussiéreuses, certaines sont même tachées. Voulant explorer davantage la nostalgie, j'ai commencé à incorporer des objets qui m'appartenaient. J'ai utilisé mes vieux jouets Webkinz, des petites peluches, des breloques, des clés d'agenda et d'autres petits objets du genre. Je me suis servie d'objets que j'avais conservés depuis ma tendre enfance et j'ai exploité cette dimension supplémentaire de sens pour mettre en valeur le concept de la mémoire. Pas seulement en peignant, mais aussi en collant et en rassemblant ces morceaux de mémoire. C'est ainsi que les objets trouvés ont trouvé leur place dans ma pratique.

T. B.L. Tu utilises plusieurs objets qui ont une valeur sentimentale, comme une télévision ou le magnétoscope. Qu'est-ce qui te motive à utiliser des objets ayant un lien direct avec ton passé et comment te sens-tu quand tu modifies ces objets, parfois de manière permanente, dans le cadre de ta démarche artistique?

S-M. A. J'essaie d'écouter davantage mon intuition et d'adopter un processus de création artistique intentionnelle. Je pense que cette approche me permet de prêter attention à ce qui m'apporte le plus de joie. Au lieu d'essayer de penser et de choisir de manière logique, j'écoute mon intuition. Par exemple, une grande partie de mon exploration est liée à la nostalgie et à mon éducation du début des années 2000. Pour Chez soi (2025), ma vieille télévision était une évidence. J'ai cette télévision depuis que je suis toute jeune et, pendant des années, elle est restée dans un coin de ma chambre. De temps en temps, je jouais au prisonnier d'Azkaban de Harry Potter. Ce sont des moments qui m'apportent naturellement de la joie, et il m'a semblé évident d'inclure la télévision dans mon travail. En ce qui concerne la modification de mes objets personnels, j'ai parfois du mal à le faire. J'hésite entre les laisser dans une petite boîte dans mon placard ou les inclure dans mes œuvres et les embellir avec de la peinture ou des autocollants. Ces temps-ci, j'essaie de ne pas trop modifier les objets. Même si je fais ce qui me semble le plus naturel, je veux aussi que la pièce existe par elle-même, comme une forme d’expression authentique qui laisse sa propre trace. Je veux que les objets aient l'air usés, mais je ne veux pas nécessairement qu'ils aient l'air peints ou transformés.

O. M. J'ai également remarqué que certaines œuvres comportaient des étiquettes de prix. Que représentent-elles ou que signifient-elles pour toi?

S-M. A. Pour différentes raisons, je pense que certaines étiquettes de prix ajoutent un contexte et une référence supplémentaires à l'objet. À première vue, avec les nombreuses et lourdes couches de gesso et de peinture à l'huile, on ne peut pas toujours deviner qu'il y a d'autres matériaux. Dans l'une de mes peintures (Protection for the Sleeper and the Departed), je faisais référence à un appui-tête traditionnel de l'Afrique de l'Est (Boni). J'avais ces étiquettes du Village des Valeurs qui indiquaient « bed and bath » (lit et bain). Cette association permet au spectateur de mieux comprendre la nature de l'objet. Ce genre de détails aide à contextualiser l'œuvre. Récemment, j'ai voulu montrer mon processus créatif, en faisant par exemple référence à la grille de transparence de Photoshop ou à l'outil Lasso. Dans le cadre de ma démarche créative, je travaille avec des photographies, du photo-collage et Photoshop. Dans cette série, les étiquettes de prix me permettent de révéler le processus de création, d'être transparente à ce sujet et de montrer le processus d'approvisionnement. L'autre jour, j'ai répondu à un appel vidéo de Rhonda pendant que j'achetais des matériaux au Village des Valeurs. Tout en essayant d'activer la mémoire et les références, je crée aussi mes propres souvenirs, de nouveaux souvenirs. Beaucoup de ces couvertures ne sont pas les miennes, elles appartiennent à d'autres personnes. C'est comme une pseudo-mémoire.

T. B.L. Il y a clairement une influence de la sphère domestique dans votre pratique qui peut être ressentie à travers les œuvres elles-mêmes, mais aussi dans les décisions prises pour la direction artistique de cette exposition, comme la séparation de l'espace en « pièces » (chambre, salon, salle de bain) ainsi que dans les esquisses d'objets domestiques en ficelles. Qu'est-ce qui t'a motivée à prendre ces décisions? Dirais-tu que la sphère domestique est un élément important de ton travail artistique?

S-M. A. Oui, et c'était particulièrement évident dans cette série parce que je fais directement référence à ma relation à la maison et aux pays d'origine de mes parents. Quand on pense à un chez-soi, on pense souvent à une maison. C'est aussi ce qui me vient en tête, surtout quand je pense aux différentes maisons dans lesquelles j'ai vécu. Je fais également des associations avec les meubles avec lesquels j'ai grandi, notamment beaucoup de meubles IKEA aux couleurs primaires. Les maisons que j'ai habitées ont influencé la manière dont je conçois la couleur dans mon travail. Je suis attirée par les bleus et les jaunes. Étant donné qu'un grand nombre de mes œuvres sont adaptées de photos de famille, et que beaucoup d'entre elles ont été prises dans nos maisons, il me semblait plus naturel de faire référence à l'arrière-plan de ces photos de famille. Comme je peignais également sur des couvertures, en référence à la chambre à coucher, j'ai pensé que je pouvais aller plus loin et tracer les contours d'objets à l'aide de ficelles. Ils ajoutent un contexte supplémentaire aux œuvres, comme l'évier sous le miroir de Mourning Thoughts (2025).

O. M. Pourquoi la nostalgie occupe-t-elle une place centrale dans cette exposition?  

S-M. A. Au départ, quand je travaillais sur cette série, je ne pensais pas à la nostalgie. Elle s'est imposée naturellement au fil du processus. Je réfléchissais beaucoup à la mémoire et à ses complexités. Je voulais explorer les thèmes des souvenirs qui hantent et de la guérison, susciter quelque chose de doux-amer. En travaillant sur mes œuvres, la nostalgie m'est apparue comme évidente. Je crois avoir entendu quelqu'un dire que la nostalgie est essentiellement une combinaison de bonheur et de tristesse. Ces émotions contrastées reflétaient parfaitement ce que je créais déjà. Tout au long du processus, la nostalgie s'est imposée naturellement, à mesure que je sélectionnais et manipulais les objets. À partir du moment où j'ai commencé à intégrer mes objets personnels, la nostalgie a pris de l'ampleur. En intégrant un Webkinz de mon enfance, j'ai commencé à apprécier la peinture d'autant plus, ce qui a fait naître une progression naturelle vers la nostalgie.

T. B.L. Une autre influence importante est le poème Home de Warsan Shire. Comment l'avez-vous découvert?

S-M. A. Je découvre la plupart des textes auxquels je fais référence en tapant des mots-clés sur Google, comme « poète somalienne » ou autres choses du genre. J'ai découvert le poème de Warsan Shire il y a quelques années alors que je participais à un projet collaboratif de murale avec mon amie Laurena Finéus, à la Galerie d'art d'Ottawa (Carved Reflections). Nous faisions référence à l'un de ses poèmes sur la nécessité de fuir son pays natal. Je souhaitais étudier la relation de mes parents avec leur pays d'origine tout en réfléchissant à ma propre manière de concevoir la notion de chez-soi. Je pense également que c'était la première fois que je trouvais un texte qui résonnait autant en moi, et c'était aussi la première fois que je découvrais une poète somalienne. Depuis que j'ai découvert ses textes il y a quelques années, ses mots ne cessent de surgir dans mon travail, et j'essaie de les laisser me guider. Je me demande pourquoi ils m'intriguent autant. Cette quête du chez-soi, ce départ forcé, ces histoires que mes parents et nos familles racontaient sur leur arrivée au Canada ont toujours été un thème omniprésent dans mon enfance.

T. B.L. Considères-tu que la littérature et d'autres formes de culture occupent une place importante dans ta démarche artistique? 

S-M. A. Oui, absolument. Je dirais qu'il est très important de trouver une théorie critique pour ancrer ou inspirer mes œuvres d'art. Tout ce que je fais et crée ne vient pas entièrement de mes propres idées. Je n'ai pas le bagage nécessaire pour élaborer mes propres théories critiques. Trouver des écrivaines et des écrivains qui parlent directement des concepts que je veux explorer, qui ont les mots appropriés pour les aborder, peut contribuer à rendre mon travail plus accessible. Ces influences peuvent ouvrir de nouvelles voies pour que les gens puissent entrer en relation avec mon travail. Si je fais directement référence à certains textes, je peux encourager le public à les découvrir à son tour.

T. B.L. Votre travail s'inspire également du concept de travail de sillage (wake work) de Christina Sharpe. Quelle est l'importance de l'art en tant qu'outil de guérison, en particulier pour les communautés diasporiques au Canada? 

S-M. A. Je pense que l'art est un outil de guérison très utile, en particulier du point de vue de l'artiste. Je pense que pour l'artiste, il peut être très thérapeutique de pouvoir explorer son passé, ses traumatismes. Par exemple, lorsque j'ai commencé à travailler sur la murale avec Laurena Finéus, nous avons chacune fait nos propres autoportraits d'enfance. Nous avons fait des autoportraits d'enfance vraiment déconstruits : en connectant ma main d'une image et l'œil d'une autre image. Ce faisant, je pense que nous avons toutes les deux appris à quel point la création artistique pouvait être thérapeutique. Personnellement, j'ai pu développer une toute nouvelle image de moi-même et regarder l'enfant que j'étais avec empathie, pour la première fois je crois. Pour quelqu'un comme moi, qui peut être très autocritique, j'ai pu voir mon passé simplement comme celui d'une enfant, d'une fille. Cet autoportrait a vraiment influencé mon travail actuel. Maintenant, je crée souvent dans cette perspective de vouloir avoir de l'empathie pour mon passé et pour mon enfant intérieur. Je pense que l'art peut être particulièrement thérapeutique pour l'artiste, et que d'autres personnes peuvent trouver une forme de guérison en se retrouvant dans ces thèmes.

O.M. As-tu trouvé, dans le processus de création de ces œuvres, une connexion avec le pays d'origine de tes parents? 

S-M.A. C'est une bonne question. C'est difficile d'y répondre. En réalité, j'ai fini par penser à la déconnexion avec les pays d'origine de mes parents. Malgré mon désir de trouver un lien plus fort, je pense qu’il reste encore un mur. Je ne parle pas la langue de mes parents, je ne peux donc pas comprendre les textes ou les vidéos. Parfois, j'ai l'impression de jouer au téléphone. Je passe par mon père ou ma tante pour poser des questions sur l'histoire, puis je parcours des archives et je lis des textes qui risquent d'être soit censurés, soit écrits dans une perspective occidentale, avec tout le biais que cela implique. J'essaie d'explorer et d'établir des liens par tous ces moyens. Je ne pense pas avoir encore trouvé cette connexion. Je crois que c'est un voyage qui dure toute la vie.

Questions supplémentaires et spontanées

O. M. Tu utilises de nombreuses techniques et matériaux, y compris la peinture et la sculpture, et il t'arrive de les combiner. As-tu une préférence pour l'une ou l'autre de ces techniques?

S.-M. A. Je suis le genre de personne qui s'ennuie rapidement et qui aime essayer de nouvelles choses. Dernièrement, j'aime beaucoup les sculptures. Je ne parle pas du processus de confection comme tel, mais j'aime les peindre ensuite. C'est la partie la plus intuitive pour moi : je n'ai pas à me fier à des références ou à des images, et je peux peindre directement de façon automatique. Pour moi, ça a été une découverte magique en soi. Je peux vraiment entrer dans un état second quand je peins des sculptures. En ce moment, c'est ce que je préfère.

O. M. Je comprends que l'œuvre (I Show Not Your Face but Your Heart's Desire et Soul of the Departed) est en fait composée de deux œuvres distinctes. Je me demandais ce qui t'a poussé à les installer ensemble. J'aime beaucoup la façon dont elles se lisent comme une seule création.

S-M. A. Je pense que l'une ne va pas sans l'autre. Ce qui m'a vraiment inspiré pour cette création, c'est une autre œuvre que j'ai réalisée à partir d'un miroir. J'avais alors utilisé un miroir en arche, et je m'étais en quelque sorte concentrée sur les plis de la couverture. Je savais que je voulais explorer davantage ces idées. Étant donné que beaucoup de mes autres peintures étaient réalisées de mon propre point de vue, en lien avec des membres de ma famille ou des parents décédés, j'ai voulu inverser la perspective. Qu'arrive-t-il quand ces figures ancestrales ou ces personnes disparues entrent en lien  avec des membres vivants de leur famille? Pour éprouver de la nostalgie, j'ai réfléchi à des éléments de la culture populaire qui évoquent quelque chose pour moi. Le miroir de cette installation fait écho à celui dans Harry Potter. La référence n'est pas importante pour comprendre l'œuvre, mais je pense qu'il peut être intéressant de comprendre sa signification. Dans le livre, on l'appelle le Miroir du Riséd. Quand un personnage se regarde devant ce dernier, ses plus profonds désirs apparaissent. Je crois que c'est dans le premier film d'Harry Potter. Harry se place devant le miroir et il voit ses parents (qui sont décédés) se tenir derrière lui. C'est ce qui a inspiré l'œuvre. La figure ancestrale assise peut voir les membres vivants de sa famille dans le reflet de la glace. J'ai également réfléchi à l'intemporalité de l'ancêtre ou au rôle de l'ancêtre, car en peignant ces figures ancestrales, et même au moment de les mouler, je prenais mon propre corps comme référence. En me considérant comme l'ancêtre, je me demandais de quoi moi, et nous tous, comme futurs ancêtres, aurions l'air dans l'avenir.

G. B. Dans les discussions que j'ai eues avec des étudiant·es après le vernissage, ce qui ressortait le plus souvent était l'aspect mixte de votre travail, entre autres choses. C'est intéressant de constater que les étudiant·es semblent être attirés par cette combinaison de médiums, et cela vient peut-être aussi de l'intuition dont vous parlez.

S-M.A. Je pense que oui. J'aspire à créer ce qui me procure le plus de joie! Je pense que j'ai appris à écouter mes idées les plus folles, et ce sont elles qui donnent naissance aux œuvres les plus fortes. Je pourrais parler d'un autre texte qui m'a en quelque sorte donné la permission de me lancer dans les techniques mixtes. J'avais exploré les techniques mixtes au premier cycle et au collège, mais j'ai par la suite arrêté pendant quelques années. Lorsque j'ai commencé à faire des résidences, je suis tombée sur un essai de Leigh Raiford intitulé Photography and the Practices of Critical Black Memory. Ce texte m'a intéressée parce que je voulais me pencher sur le rôle de la photographie par rapport à la mémoire, car ce sont des thèmes que j'ai explorés. Toutes mes œuvres font référence à des archives familiales. Raiford parle des photographies de personnes lynchées et dit essentiellement que la photo n'est pas un mode de documentation authentique, qu'elle ne reflète pas la réalité. Elle se sert de ces photographies pour illustrer le fait que la photo seule ne parle pas d'elle-même et que c'est plutôt l'artiste qui travaille à créer des modes de documentation authentiques par l'entremise de stratégies de composition intertextuelles. Texte, collage, art abstrait et multimédia : tous ces médiums donnent des indices contextuels différents et concourent à créer un mode de réalité authentique. Cela m'a vraiment incité à aller jusqu'au bout de mes idées et m'a donné une raison d'utiliser des médias mixtes pour créer mes modes authentiques de réalité. C'est un excellent essai que je vous conseille de lire.

G. B. As-tu des conseils à donner aux étudiant·es en arts visuels sur le point d'obtenir leur diplôme? 

S-M.A. Quand j'ai terminé mes études, je voyais tous ces artistes que j'admirais, qui avaient parfois mon âge ou une vingtaine d'années. Il m'arrivait de me dire que je devais moi aussi connaître du succès et réaliser toutes ces choses. J'ai finalement réussi à m'enlever cette pression, car j'ai réalisé que le temps est vraiment précieux dans ce genre de carrière, et que je ne veux pas précipiter les choses. Je me suis dit que j'allais essayer de faire ce métier à temps plein pendant 10 ans, puis que je verrais où cela me mène. J'aimerais continuer à exercer ce métier plus tard, mais je m'enlève ainsi la pression d'atteindre mes objectifs les plus ambitieux à un jeune âge. J'ai découvert beaucoup d'autres artistes qui ont connu du succès plus tard dans leur carrière, comme Katherine Bradford ou Kerry James Marshall, et j'ai constaté que la progression dans ce milieu est tout sauf linéaire. Il est possible de connaître plusieurs années consécutives de grand succès, puis des années plus creuses, et tout cela peut provoquer des remises en question. Mais je pense que si l'on sent que l'on veut vraiment faire carrière en art, il faut persévérer. Les périodes moins occupées ou les moments difficiles vous permettront de tirer des leçons. En fin de compte, c'est une question de perspective, surtout quand vient le temps de déposer des demandes de résidences ou de subventions. Le rejet est inévitable, et cela n'a rien à voir avec la qualité de votre travail. Parfois, ce n'est simplement pas le bon moment. Il faut donc garder la tête haute quoi qu'il arrive. C'est normal que ce soit parfois dur sur le moral, mais il faut rester positif et continuer à avancer. Personne ne s'intéressera à votre travail autant que vous. C'est pourquoi il est important de ne pas compter strictement sur la validation des autres, et de se faire confiance.

Photo prise par Sylvia Trotter Ewens. 



Dernière modification : 1er mai 2025